Gerard Busse, Responsable Marketing du Forest Stewardship Council® (FSC®) pour l'Afrique australe, s'est entretenu avec le Dr David Lindley, de WWF Afrique du Sud, qui a participé activement aux programmes de gestion des ressources en eau en Afrique du Sud.

Pourquoi WWF Afrique du Sud accorde-t-il une si grande importance à l'eau dans les activités qu'il mène en Afrique du Sud ?

Tout d'abord, nos rivières, et en particulier nos écosystèmes d'eau douce ne sont pas en bonne santé ; il s'agit probablement des écosystèmes les plus à risque dans notre pays. Les raisons sont multiples, mais les causes principales sont probablement la mauvaise gestion de nos ressources en eau, la pollution, l'érosion et les mauvaises décisions en matière de développement.

Deuxièmement, l'eau douce est cruciale pour la pérennité de l'économie sud africaine et l'amélioration des moyens de subsistance. C'est pourquoi nous avons besoin d'un approvisionnement régulier en eau pure provenant des écosystèmes d'eau douce. Ceux-ci déclinent rapidement, et nous devrons de toute urgence remédier à leur dégradation.

L'eau et l'électricité sont deux des plus importantes ressources limitantes dans notre pays, l'eau étant encore plus cruciale que l'électricité. Nous pouvons vivre sans électricité pendant de courtes périodes, comme nous l'avons expérimenté lors des périodes de délestage. En revanche, l'eau est essentielle à notre survie. Malheureusement, les gens ne réalisent pas toujours la valeur de l'eau tant qu'ils n'en sont pas privés. Nous devons, ensemble, faire en sorte que l'eau soit toujours disponible, pour tous.

Comment WWF Afrique du Sud a-t-il participé à la gestion des ressources en eau ?

WWF Afrique du Sud a commencé à s'impliquer dans la gestion des ressources en eau il y a 28 ans, pour répondre à l'état désastreux de nos zones humides en 1991, lorsque le partenariat WWF-Mondi a vu le jour pour protéger les ressources en eau. Ce partenariat s'est ensuite élargi, en répondant à d'autres problématiques critiques concernant les ressources en eau au niveau du paysage ou du bassin versant.

Il y a quinze ans, WWF Afrique du sud s'est en engagé avec des entreprises forestières et d'autres entre-prises, dont Sanlam, South African Breweries (aujourd'hui AbInbev) et Woolworths, pour n'en citer que quelques unes, afin de renforcer la gestion des ressources en eau dans leurs opérations.
Plus récemment, WWF Afrique du sud a également travaillé avec la ville du Cap afin de sensibiliser au problème de la pénurie d'eau, de proposer des solutions pratiques pouvant être adaptées par le grand public et les entreprises pour diminuer la consommation d'eau, et de répondre aux grands défis liés à l'eau, alors que la ville se dirige vers le « Jour zéro ».

La gestion des ressources en eau est également un thème très important pour WWF dans le monde en-tier. Il est vital que toutes les parties prenantes réalisent qu'il ne s'agit pas uniquement de se concentrer sur la gestion des ressources en eau sur ses propres terres, et que ce que nous faisons a des répercus-sions sur le voisinage et les usagers en avals. C'est pour cette raison, par exemple, que les entreprises forestières se placent dans la perspective du paysage pour gérer leurs opérations forestières. Cela tient une place très importante dans les Principes et Critères FSC, et a trait a des questions telles que les es-pèces invasives, le surpâturage dans les zones découvertes non plantées d'arbres, et la collaboration avec des groupes multiparties sur les questions de gouvernance de l'eau. Ainsi, les entreprises forestières contribuent à la gestion des ressources en eau par bassin versant impacté par leurs opérations.

WWF a développé des outils pour aider les entreprises dans ce sens, tels que le « Water Risk Filter », un outil utilisable en ligne et conçu pour Explorer, évaluer, répondre et mesurer le risque relatif à l'eau, qui aide les entreprises à identifier les risques spécifiques à leurs activités et à propose des idées pour y ré-pondre : https://waterriskfilter.panda.org/

Quels ont été les grands résultats obtenus par WWF Afrique du sud concernant la gestion des ressources en eau ?

Sensibiliser les entreprises et le grand public sur le risque lié à l'eau, les impacts que ce risque a sur eux, et leur proposer des outils pour qu'ils commencent à comprendre la gravité de la situation et trouvent des solutions pour relever les défis dans ce domaine.
Le partenariat WWF-Mondi pour la gestion des ressources en eau a été un catalyseur dans la réhabilita-tion des zones humides, qui a donné lieu au Programme gouvernemental Working for Wetland. Celui-ci a permis de consacrer un milliard de rands (environ 60 millions d'euros) à la réhabilitation des zones hu-mides et à la création de milliers d'emplois depuis 2001.

Il a également été un catalyseur dans le développement du concept de Strategic Water Source Areas - (SWSA -zones stratégiques de sources d'eau), élaboré par WWF Afrique du sud, l'institut national sud-africain pour la biodiversité et le Conseil pour la recherche scientifique et industrielle. Les SWSA cou-vrent seulement 10 % du territoire sud africain, mais fournissent 50 % des ressources en eau douce. Ces zones sont donc vitales pour l'économie de l'Afrique du sud, considérée comme un pays exposée à la pénurie d'eau. On y recense 26 SWSA, et WWF Afrique du sud milite auprès du gouvernement pour que les efforts en matière de conservation des ressources en eau se concentrent dans ces zones.

De plus, WWF Afrique du sud et d'autres organisations ont levé plus de 100 millions de rands pour mettre en œuvre des projets portant sur les écosystèmes d'eau douce dans ces zones, tels que :
• l'élimination de plantes invasives à haute altitude, pour accroître la disponibilité en eau
• la création de micro, petites et moyennes entreprises utilisant la biomasse des espèces végétales invasives éliminées
• La création d'emplois verts pour la fabrication de produits de charbon de bois certifié FSC
• L'intégration de la protection et de la gestion des SWSA dans la politique gouvernementale
• Le renforcement des capacités pour les plate-formes locales de gouvernance de l'eau
• L'adoption de pratiques de gestion des ressources en eau dans les secteurs agricoles et forestiers
• Intégration du financement durable dans le Partenariat sur les sources d'eau

Quel rôle doivent jouer la gestion forestière et le Forest Stewardship Council® (FSC®) dans la gestion des ressources en eau à l'avenir ?

Les entreprises forestières, faisant partie des plus grands propriétaires fonciers d'Afrique du sud, ont un rôle important à jouer dans la gestion des écosystèmes d'eau douce. Outre la délimitation et la réhabili-tation des zones humides, auxquelles se consacrent déjà les entreprises forestières, il est également important de contenir la propagation des espèces invasives, pour éviter que les plantations ne colonisent les terres avoisinantes. Les normes FSC soutiennent cette démarche grâce aux Principes et Critères, et à un processus de vérification indépendante accrédité.

Le thème de la journée mondiale de l'eau est : « Valoriser l'eau : qu'est-ce que cela signifie pour vous ? » (https://www.worldwaterday.org). Quelles sont les questions que nous, sud africains, devons nous poser au sujet de cette problématique ?

C'est une bonne formule, car cela nous rappelle que beaucoup de gens considèrent l'eau comme un dû. L'eau ne provient pas du robinet - elle provient d'une zone de sources d'eau. L'Afrique du sud est un pays exposé à la pénurie d'eau. Interrogez les habitants du Cap, qui ont été directement confrontés au manque d'eau et qui réalisent peut-être davantage que les habitants d'autres régions à quel point l'eau est précieuse. Nous devons aider les sud-africains à mieux comprendre d'où provient l'eau, en manifes-tant une plus grande curiosité à ce sujet et en ne considérant pas l'eau comme un dû. Le fait que le cœur industriel sud-africain se situe à Gauteng est dû à l'histoire minière de la région. Gauteng se trouve en amont de deux importants bassins hydrographiques, et non en bas de la zone de captage, ce qui au-rait été plus logique pour le développement économique. Par conséquent, une grande partie de l'eau qui alimente la province vient du Lesotho et du KwaZulu-Natal, via un système très complexe de transfert inter-bassins. L'eau est pompée dans des tuyaux depuis le Lesotho et le KwaZulu-Natal et envoyée dans les affluents du Vaal. Ironie du sort, Johannesbourg et les villes environnantes ont été construites à cet endroit en raison de l'or qui s'y trouvait, et son maintenant plus dépendantes de l'eau, le nouvel « or blanc ».

En conclusion, nous devons tous avoir une prise de conscience. Conscience de la quantité d'eau utilisée dans les foyers et les entreprises, de la rareté de l'eau et de sa provenance, et du rôle que peut jouer chacun d'entre nous pour limiter le risque de pénurie d'eau. Les gens doivent commencer à agir diffé-remment. Pensez aux habitants du Cap, à la façon dont leur vision de l'eau a changé après la crainte du « Jour zéro », et dont ils ont réalisé que l'eau était précieuse en s'approchant du « Jour zéro ». Nous de-vons amener les gens à penser différemment et à prendre conscience de la valeur de l'eau... de la VERITABLE valeur de l'eau.