Au cours de la phase-pilote, 500 hectares administrés par les communautés traditionnelles Sibi et Colana, à proximité de la ville de Matatiele, dans la province du Cap-oriental, en Afrique du sud, ont obtenu la certification FSC, et deux entreprises– Eco Char et KwaBhaca Nature Solutions – sont devenues membres du groupe créé par CMO.

Les unités de gestion forestière abritent des îlots de forêts naturelles indigènes, et le projet prévoit d'éliminer l’acacia noir invasif (Acacia mearnsii) pour permettre de restaurer les prairies et les sources. Les entreprises ayant pour propriétaires et gestionnaires de petites communautés transformeront l'acacia en charbon de bois certifié par FSC et en autres produits de la biomasse à destination des marchés locaux et de l'export.

Au fil du temps, l'acacia noir est devenu envahissant, colonisant les pâturages traditionnels et asséchant les terres humides et les cours d'eau dans cette région importante pour l'approvisionnement en eau.

Samir Randera-Rees, responsable du programme de WWF pour les zones d'approvisionnement en eau en Afrique du sud, indique que d'après la recherche scientifique, cette zone montagneuse abrite deux des vingt-deux sources d'eau stratégiques de ce pays aride, représentant 10 % de la superficie nationale mais contribuant à 50 % de ses eaux de surface. « Cela signifie que la moitié de l'eau de nos rivières et de nos lacs provient des pluies tombées dans ces régions », explique-t-il. Ces deux zones d'approvisionnement en eau alimentent la puissante rivière Umzimvubu.

Un tout indissociable

« C'est une première sur le continent » déclare Amohelang Sibi, de la communauté traditionnelle Sibi, à propos de la certification FSC. « Nous sommes à la fois nerveux et excités ».
Elle explique que la certification FSC est une évidence pour sa région. « Nos communautés comprennent qu'il n'y a pas de frontière hermétique entre l'homme et l'environnement - le bien-être de l'un entraînant le bien-être de l'autre dans une relation d'interdépendance. La certification FSC est un moyen de garantir que nous prenons soin de l'environnement, et que le paysage et ses ressources continuent à nous faire bénéficier de leurs bienfaits, parce que nous respectons la nature. »

Amohelang explique que les éleveurs et les paysans qui pratiquent une agriculture de subsistance commencent à voir les effets de l'élimination de l'acacia noir : les pâturages gagnent du terrain et l'eau se fait moins rare. « En me promenant, j'ai constaté qu'un ruisseau, habituellement à sec, coulait de nouveau. »

D'après elle, FSC a donné un nouvel élan à l'élimination de l'acacia noir et à l'amélioration des moyens de subsistance. « Cela génère des opportunités d'emploi dans cette communauté rurale, avec à la clé des créations d'entreprises. Désormais, les membres de la communauté connaissent également les plantes invasives ; beaucoup se sont demandé pourquoi ils devaient renoncer au bois de chauffage disponible à volonté. »

Elle a été agréablement surprise par la facilité d'obtention de la certification FSC et de la mise en place du partenariat avec CMO. « Cela aurait coûté trop cher de postuler à la certification en tant qu'entreprise individuelle. FSC a été d'un grand soutien. Grâce à leur expertise, les équipes FSC nous ont guidés patiemment tout au long du processus. »

Ce n'est que le début, nous explique Amohelang : « ce que nous avons appris aujourd'hui n'est rien à côté de ce que nous saurons dans trois ans. »

Une nouvelle approche

Il reste certainement encore beaucoup à faire Fort de son expérience dans différents pays comme l'Ouganda, la Thaïlande et la Namibie, CMO a créé un groupe en Afrique du sud il y a tout juste un an. C'est la première fois que CMO travaillait avec des communautés dans une zone où les terres sont administrées par une autorité traditionnelle. Son système repose sur les économies d'échelle, l'entreprise utilisant un logiciel qu'elle a développé pour gérer les groupes qu'elle a constitués ; cet outil est utilisable sur le terrain, permettant d'assurer un suivi via un téléphone mobile.

Le Dr. Michal Brink, directeur général de CMO, est très enthousiaste à propos de la « nouvelle approche ascendante » qui permettra de déverrouiller les chaînes d'approvisionnement et de créer de la valeur grâce à l'élimination de l'acacia noir sur les terres communales. « Nous venons d'accueillir les deux premiers membres communautaires dans le groupe que nous avons constitué – beaucoup pensaient que ce n'était pas possible pour des raisons d'échelle, et nous avons montré que cela pouvait se faire très facilement.

« Nous n'en sommes qu'aux commencements, mais nous avons déjà vu la joie incroyable que ressentent les gens quand ils comprennent que les standards FSC leurs sont accessibles, » explique-t-il. CMO intégrera prochainement la composante services écosystémiques : ainsi, une grande entreprise d'embouteillage pourrait acheter des crédits de conservation de l'eau pour compenser l'utilisation d'eau pour ses activités. « Cet argent pourrait financer le suivi de l'élimination de l'acacia », explique le Dr Michal Brink.

L'acacia noir finance sa propre éradication

En effet, l'un des gros points forts de l'engagement de FSC consiste à empêcher la repousse de l'acacia noir, explique Nicky McLeod, l'un des membres fondateurs d'une ONG locale, Environmental and Rural Solutions (ERS). Créée en 2002, ERS a joué un rôle essentiel dans le projet d'éradication de l'acacia noir et sa mise en œuvre sur le terrain.

« La présence de l'acacia ne présente généralement que des inconvénients », selon Nicky McLeod. « Nous avons réussi à inverser la tendance et à faire de cet arbre un atout générateur de revenus. Nous considérons la certification FSC comme un cadeau : elle nous permet de valoriser les espèces invasives afin de couvrir le coût de leur propre éradication, dans un système axé sur le marché conduisant à la restauration de nos pâturages.

« Depuis des années, nous cherchions une façon d'auto-financer l'éradication de l'acacia noir. Il existe d'excellents programmes nationaux, tels que « Working for Water », mais leurs fonds sont limités - et nous dépendions de ces programmes faute d'autres sources de financement pour l'élimination de l'acacia noir. « C'est ici qu'intervient FSC. Grâce à la gestion durable de l'acacia noir dans la région, nous obtenons exactement ce qui nous attirait tant dans le système FSC : restaurer les prairies naturelles et les forêts indigènes, puis vendre des produits écologiques à valeur ajoutée tout en valorisant les services écosystémiques. »

Il ajoute que peu importe « si ces services écosystémiques sont vendus via FSC à de grandes entreprises, ou si les populations bénéficient localement de pâturages de qualité, de bétail bien nourri ou des revenus généré par la vente des produits ». Tout cela contribue à « renforcer la valeur du paysage et les moyens de subsistance qu'en tirent les populations. »

La puissance des partenariats

Les partenariats sont fondamentaux, et Matatiele joue un rôle prépondérant dans ce domaine. Samir, de WWF, nous explique : « Il est de notoriété publique qu'il est difficile de travailler dans un paysage communal, mais ici, la situation est très différente, car il existe des liens de très étroite collaboration - et de confiance - entre les communautés locales, les chefs, les ONG et le gouvernement. »

Nicky ajoute : « Dans cette zone rurale, ERS compte pour du beurre ! » Elle plaisante, bien sûr, mais on voit où elle veut en venir. « Seuls, on n'arriverait à rien. Nous travaillons beaucoup via des partenariats, en jouant le rôle d'intermédiaire, en rencontrant des groupes qui ont la même vision de nous et dont beaucoup se sont regroupés au sein du partenariat d'Umzimvubu pour la préservation des bassins versants.

On se rend tous compte que tout est lié. Les gens vont dans la même direction, en préservant les paysages pour pérenniser les moyens de subsistance. Nous apportons tous notre pierre à l'édifice. »

Un projet-pilote soucieux de l'environnement

Le gouvernement compte parmi ces partenaires. Matatiele n'a pas uniquement un rôle expérimental pour FSC et CMO ; C'est aussi une zone-pilote pour le programme Green Business Value Chain organisé sur trois ans et désormais intitulé « Clear to Grow programme », destiné à libérer la chaîne de valeur de la biomasse en Afrique du sud tout en contribuant à la restauration environnementale. Ce programme est financé par le département de l'environnement, de la forêt et de la pêche (DEFF), et animé sur le terrain par Avocado Vision, une entreprise sociale qui travaille avec les communautés pour aider les petites entreprises.

« Nous savions dès le début que si nous parvenions à mettre en place ce programme-pilote dans la région et à le mener à bien, nous pourrions le déployer partout ailleurs » explique Garth Barnes, directeur adjoint du DEFF. Ici, on trouve à la fois des paysages ruraux reculés, des terres communales, des communautés avec lesquelles d'excellentes relations sont entretenues grâce aux ONG, et une espèce nuisible abondante pouvant être transformée en produit commercialisable. « Tout est à inventer »

Le programme « Clear to Grow » nécessite de travailler en étroite collaboration avec des microentreprises, de renforcer leurs capacités afin de proposer de nouvelles façons de travailler avec la biomasse et de modifier leur approche de leur activité et des marchés. Cela nécessite également de travailler avec des entreprises, de réfléchir à la façon d'introduire des produits de biomasse issus d'espèces invasives dans leurs chaînes d'approvisionnement.

Garth Barnes souligne que cette initiative produit de nombreux bénéfices socio-économiques, notamment en générant des revenus durables dans les zones rurales et en favorisant la création d'entreprises durables. Les habitants de la région sont donc moins tentés de quitter la région pour trouver un emploi en ville, démarche dont le succès n'est de toute façon pas assuré.

FSC trouve naturellement sa place dans cette initiative. C'est au cours d'une journée consacrée à la technologie de biomasse en Namibie à la fin de l'année que Garth Barnes a découvert ce que FSC pouvait apporter dans le domaine de la biomasse d'espèces invasives, notamment en jouant un rôle de catalyseur pour l'économie rurale. Les choses sont allées vite. « Cela démontre ce qu'il est possible de faire quand des partenaires publics et privés ont vraiment envie d'obtenir des résultats », explique-t-il. « Et cela témoigne du travail que le Programme de partenariat pour la protection du bassin versant d'Umzimvubu a réalisé dans la région de Matatiele. »

La pièce manquante

La fondatrice d'Avocado Vision, Jules Newton, décrit FSC comme LA pièce de puzzle qui manquait.
« L'organisation fait le lien pour aider l'économie informelle à faire sa mutation vers une économie et des chaînes d'approvisionnement formelles » explique-t-elle. « Ainsi, un habitant de Singapour pourra acheter en rayon un sac de charbon de bois, le scanner, et savoir exactement où il a été fabriqué et avoir la garantie que la récolte de ce produit s'est faite dans le respect absolu de l'environnement. »

Bien loin de porter atteinte à l'environnement, ces pratiques lui sont au contraire très favorables : les rivières coulent de nouveau ; les prairies sont rétablies pour le bien-être du bétail ; les conditions de subsistance sont préservées et améliorées. Comme l'explique Jules Newton : « La création de débouchés pour la biomasse invasive permet ainsi d'améliorer les conditions de vie de la communauté. Et ce grâce à FSC. » Elle espère qu'à terme environ 25 petits producteurs employant de la main d’œuvre locale participeront au programme pour convertir la biomasse invasive en charbon de bois dans la région de Matatiele. D'autres opportunités verront le jour avec la création d'une usine de transformation pour apporter de la valeur ajoutée, par exemple pour le conditionnement, le tri, l'expédition et la logistique.

« Un petit producteur devrait se battre seul pour trouver des débouchés car il ne peut pas produire à une échelle suffisamment importante pour approvisionner les marchés. Nous cherchons a atteindre un nombre de producteurs de charbon de bois suffisamment important pour fournir une usine de transformation qui sera ensuite en mesure de trouver des marchés.

Un outil permettant de relever un défi plus grand

Les dommages causés par les arbres invasifs aux ressources en eau et aux forêts naturelles pose problème dans de nombreux paysages de la région, et Manusha Moodley, Coordinatrice sous-régionale FSC pour l'Afrique australe, est très enthousiaste devant les perspectives que l'expérience menée à Matatiele laisse entrevoir pour d'autres régions.

Elle explique que cela montre que le standard de gestion forestière FSC peut s'avérer très utile pour restaurer l'intégrité écologique de paysages dégradés en Afrique australe et dans d'autres régions : « la mise en œuvre des standards FSC par les communautés traditionnelles et d'autres petits producteurs en Afrique du sud permet d'accéder plus facilement aux marchés internationaux, de bénéficier d'opportunités d'investissement liées aux services écosystémiques et d'améliorer la situation sociale grâce à la création d'emplois et le renforcement des compétences, vecteurs de bien-être et de meilleures conditions de vie. »