Le but de cette rencontre était de réunir les principales parties prenantes engagées dans le Filière Forêt-Bois d'Europe et du Bassin du Congo pour tenter d’équilibrer l'offre et la demande en bois et en produits certifiés FSC provenant du Bassin du Congo. Les parties prenantes européennes comprenaient des investisseurs impliqués dans la gestion des concessions du Bassin du Congo, des acheteurs responsables et de nouvelles sociétés récemment implantées au Gabon. L'Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT) a été proactive lors de cette réunion et le plan d’actions établi par les membres certifiés de l’ATIBT en mai a été mis en regard de la vision du FSC pour le Bassin du Congo. Le WWF a également rejoint cette table ronde et contribué, par sa vision, à l’établissement d’une plan d’actions pour l'avenir du FSC dans la région.

Les acheteurs européens s’inquiètent depuis plus de deux ans de pénuries à prévoir en bois hydrauliques certifiés FSC à destination des Pays-Bas et en contreplaqués okoumé certifiés FSC, tandis que les producteurs certifiés du bassin du Congo expriment, pour certains, une baisse dans la rémunération, par les acheteurs, de l’effort consenti par les sociétés certifiées pour obtenir et/ou maintenir une certification toujours plus exigeante. Cette rencontre professionnelle visait donc, en premier lieu, à ce que chacune des parties prenne connaissance des défis de l’autre. A cet effet, quelques entreprises motrices de la sous-région comme INTERHOLCO et Precious Woods Holding AG ont témoigné de leurs défis et de leurs perspectives d’avenir.

Le Groupe SNCF Réseau a également présenté sa vision de l’approvisionnement responsable en bois tropical, avec en premier lieu un besoin en traverses d’azobé éco-certifiées pour répondre aux besoins d’entretien du réseau des voies ferrées françaises. Il a été précisé que la politique d’approvisionnement en bois tropical du Groupe SNCF Réseau était : bois tropical éco-certifié (FSC ou équivalent).

Rupert Oliver, Economiste et Analyste des marchés de l’Unité Indépendante de Surveillance des Marchés liés au FLEGT (IMM FLEGT) pour le compte de la Commission Européenne, a indiqué que la valeur des exportations de bois vers l'Europe en provenance des tropiques était en constante diminution invariablement depuis 2007. Il est toutefois important de noter que le Cameroun demeure le principal pays fournisseur en sciages tropicaux de l’Europe des 28 (entre 250 et 300 tonnes de sciages importées par annuellement).

Les moteurs du déclin des bois tropicaux en Europe sont bien connus; ils incluent le ralentissement économique entre 2008 et 2013, la compétition pour la ressource avec la Chine, la substitution par les composites faits de bois tempérés, les préjugés environnementaux, les risques financiers et un marketing non coordonné. « L'Europe reste néanmoins toujours un marché viable pour l'Afrique car elle représente encore 30% du marché mondial de la construction et 20% de la production et de la consommation mondiales de meubles », a-t-il ajouté.

Vers une vision commune pour le FSC dans le Bassin du Congo

Jeremy Harrison, directeur du marketing chez FSC International, a déclaré qu'une récente étude de Globescan a indiqué que la certification FSC accroit la confiance des consommateurs dans les entreprises et les marques associant leurs labels à leurs produits.

«Le FSC est désireux de travailler avec toutes les parties prenantes pour générer des impacts positifs sur la valeur du FSC, mais la croissance de la demande en bois tropical produit FSC pour stimuler le développement des chaînes de valeur reste un défi. Il existe des outils pour promouvoir les bois tropicaux FSC et ceux-ci peuvent être utilisés par les entreprises du Bassin du Congo ", a-t-il ajouté.

Patrizia Gregori, Directrice de la Performance Environnementale du Groupe SNCF, a déclaré que son entreprise envisage de se procurer du bois tropical pour ses traverses de chemin de fer car sa durabilité naturelle en fait une alternative viable au bois tempéré traité. Dans ses appels d'offres à venir en 2019, la SNCF exigera de ses fournisseurs 100% de bois tropicaux éco-certifiés

Les défis de la certification FSC dans le Bassin du Congo

La gestion des paysages forestiers intacts (IFL) est un défi particulier pour les concessionnaires du Bassin du Congo. La motion 65 sur les IFL votée lors de la 07ème Assemblée Générale du FSC en 2014 demandait à ce que les nouvelles normes nationales FSC visent à protéger 80% des paysages forestiers intacts situés dans le concessions forestières, à moins qu’un autre seuil, appuyé par un argumentaire scientifique, puisse être proposé au niveau de chaque écorégion. La motion 34/2017, votée lors de la 08ème Assemblée Générale du FSC en octobre 2017 à Vancouver, dans le prolongement de la Motion 65, exige une évaluation multi-dimensionnelle (sociale, fiscale et environnementale) à l'échelle régionale (Bassin Amazonien, Russie, Canada et Bassin du Congo) de la mise en œuvre de seuils de protection de ces paysages forestiers intacts.

Ceci devrait permettre d'éviter de formuler des exigences incompatibles entre maintien des sociétés certifiées et visée première de la Motion 65, la protection des paysages forestiers intacts. Depuis 2014, le Bureau FSC Bassin du Congo s'efforce avec un groupe de travail régional (HCV-Regional Working Group) comprenant WCS, WWF, WRI, des représentants des gouvernements, des entreprises et des représentants de la société civile, de définir des indicateurs de gestion des paysages forestiers intacts au sein des concessions certifiées.

Le postulat de départ est l’impact sur le couvert forestier de l’exploitation sélective FSC dans le Bassin du Congo, qui affecte généralement 7 à 10% de la biomasse aérienne et la mise en place de réseau de surveillance et de lutte contre le braconnage et l’exploitation forestière illégale dans les concessions. Sur cette base, le Groupe Régional de Travail sur les HVC (HCV-Regional Working Group) a proposé que la protection stricte de 20% des IFL dans chaque concession pourrait être suffisante pour garantir le maintien de l'intégrité globale de chaque IFL. Cette décision, prise par le groupe de travail en avril 2018, sera évaluée dans l’étude pluridisciplinaire d'impacts imposée par la Motion 34 / 2017, afin de garantir que cette décision permette le maintien de ces paysages clés pour les générations futures. Les besoins d’accès aux terres et aux ressources des populations autochtones et des communautés locales feront bien-entendu partie intégrante de cette étude d’impacts.

Un autre défi important pour les détenteurs de certificats dans la région est la mauvaise perception du bois tropical en Europe. Les consommateurs l'associant davantage à la coupe rase liée à la culture industrielle de commodités agricoles telles que le palmier à huile, et non aux concessions bien gérées certifiées FSC. Cette perception est d’autant plus complexe aujourd’hui par l’absence de distinction entre le bois purement légal (RBUE) et le bois durable (certifié FSC, allant au-delà de la simple légalité), de nombreux acheteurs concluant maintenant que le bois légal est un choix éthique suffisant. Frustrant pour les détenteurs de certificats, la certification FSC ne garantit pas de « ligne verte » pour l'accès aux marchés européens dans le cadre du RBUE.

Résultats de la réunion

Le FSC travaillera en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes pour augmenter la superficie de forêts gérées de manière responsable dans le Bassin du Congo, selon les exigences du système FSC, en mettant en œuvre un plan d’actions autour des axes de développement suivants:

• Engager une campagne de marketing pour sensibiliser à l'importance du FSC dans le Bassin du Congo et souligner que les bois tropicaux certifiés FSC sont une option éthique positive;
• Travailler avec les Autorités Compétentes, les Gouvernements d’Afrique Centrale, les Bureaux FSC en Europe et la Commission Européenne pour pousser à ce que les produits FSC puissent avoir une «ligne verte» pour l'entrée dans l’Espace Economique Européen des 28, dans le cadre de la mise en œuvre du RBUE et la pleine reconnaissance, dans les pays APV, du FSC comme FLEGT-compatible;
• Aider, par le biais de la mise en place de la procédure FSC de reconnaissance des services écosystémiques, les gestionnaires certifiés par le FSC à avoir accès aux Paiements pour Services Environnementaux pour leurs efforts visant à maintenir les valeurs écologiques élevées des forêts et contribuer positivement aux Objectifs du Développement Durable des Nations Unies;
• Promouvoir, en collaboration avec l’ATIBT, l'utilisation des essences moins connues du Bassin du Congo sur les marchés européens ;
• Tenter d’abaisser le coût de la certification en travaillant avec les initiatives récentes discutées lors du Think Tank de l’ATIBT en collaboration avec d’autres influenceurs ;
• Travailler à une meilleure connexion auprès des opérateurs asiatiques et indiens, en contribuant aux initiatives existantes.